Un pont entre jeunes et sciences
Publié dans research*eu, n°59, Juin 2009 - Read the English versionDévelopper une culture scientifique parmi les jeunes, tel est le crédo des Expo-Sciences Europe (ESE). Résolument apolitique et dénué de tout intérêt financier, l'événement vise simplement à rassembler des jeunes du monde entier autour de la science et des techniques. Reportage.
Budapest, métropole phare du savoir.
Ici s'érigeait, à la Renaissance, la Bibliotheca Corviniana, dont les étagères, riches de quelque 4 500 oeu vres, rivalisaient avec celles du Vatican. Ici se dressera bientôt le siège de l'Institut Européen de Technologie (IET), futur pôle d'excellence de l'éducation et de l'innovation européennes. L'endroit idéal pour une Expo- Sciences. L'édition 2008 (ESE 2008 (1)), organisée en Europe entre le 13 et le 20 juillet, a mobilisé quelque 400 jeunes autour de 200 projets touchant, de près ou de loin, la science.
Du moteur Stirling...
Jérémy et Ludovic viennent de Nantes, en France. Leur stand se concentre sur le moteur Stirling, un principe vieux de deux siècles qui pourrait jouir de belles perspectives d'avenir s'il est combiné à une source d'énergie renouvelable.«Le prototype a été créé par notre prof en 2004», raconte Jérémy. «Notre groupe a amélioré l'autonomie du système avec un circuit fermé de réchauffement et de refroidissement d'eau constitué de trois modules Peltier.»
Après quatre ans de mises au point, l'équipe a remporté le premier prix de leur Expo-Sciences régionale, d'où leur présence à Budapest. «Nous faisons partie du club scientifique de notre école, donc forcément, la physique, les maths, on aime ça», précise Ludovic. Petit génie, en veux-tu? En voilà! «Notre projet? L'irréductibilité polynomiale. Il n'a aucune application concrète, nous l'avons développé uniquement par amour des mathématiques, notre sujet de prédilection à l'école», explique le Bulgare Momchil, de Sofia. «Nous avons commencé à travailler dessus il y a un an et demi, avec notre prof de math, puis avons continué seuls, en bénéficiant sporadiquement de son appui», explique fièrement Ivan, son collègue.
Tout autre registre pour les Slovènes Andraž et Matic. Férus d'astronomie, ils présentent une série d'outils fabriqués dans le cadre du club d'astronomie de leur école. «Le stand regroupe tous les instruments développés au cours de nos sept années de participation aux cours d'astronomie», explique Andraž. Du parapluie reprenant toutes les constellations au projecteur d'observation du soleil, les dispositifs sont aussi ingénieux qu'originaux.
...au SIDA
Contrastes... Liane, la Danoise, s'inscrit plutôt dans la vague militante. Elle braque les feux des projecteurs sur le SIDA. «Les initiatives de prévention intéressent de moins en moins les jeunes danois. J'ai donc conçu, à partir de différentes sources, un CD-ROM où les jeunes peuvent, de manière interactive, en apprendre plus sur le SIDA. Il a déjà été testé auprès d'adolescents et a donné de très bons résultats.» À quelques pas se trouve Jana, de Slovaquie.«Mon stand fait le point sur les connaissances relatives à la sclérose en plaques, maladie incurable dont souffre ma tante. Mon objectif de base était de sensibiliser le public au fait que les autorités slovaques n'accordaient un remboursement des soins qu'aux patients âgés de moins de 45 ans. J'ai aussi lancé des pétitions et rédigé des documents de sensibilisation.
Il y a deux mois, notre gouvernement a étendu la gratuité des soins à tous les malades.»
Mosaïque de jeunes
On le voit, l'éclectisme est de mise aux Expo-Sciences. Non seulement les jeunes viennent de pays et de cultures différents, mais leur présence s'explique également de manière très variée. Car participer ne sous-tend pas forcément être un accro des mathématiques ou de la chimie et chaque Expo-Sciences locale sélectionne son gagnant selon ses propres critères.Bien sûr, l'événement rassemble clubs scientifiques et assidus des cours de sciences mais aussi des associations dont le créneau principal n'est pas l'art de Newton.
L'inventivité, en tout cas, est bien là. C'est le cas de l'équipe de la maison de quartier des Forges, en Vendée (FR), qui est arrivée à Budapest avec le tableau numérique interactif, un ingénieux système d'écran tactile réalisé à partir d'un projecteur, d'un ordinateur et d'une manette de Wii. «Le système permet d'interagir avec un écran à l'aide d'un stylet qui détecte les infrarouges, le tout pour un prix dérisoire, vu que nous l'avons créé nousmêmes.
Pour attirer les passants, nous leur proposons un maquillage virtuel, mais l'écran peut être utilisé pour un tas d'autres applications », explique Mehdi.
«Les enfants ont été récompensés pas tant sur la démarche mais surtout pour la qualité de la présentation, l'originalité du projet, et l'importance de leur investissement personnel», précise l'animatrice qui l'accompagne. «Pour eux, l'expo représente un enrichissement incroyable. Le fait de prendre sur soi pour présenter l'idée, de parler devant un groupe, utiliser ses propres mots, rester derrière le stand... C'est extrêmement valorisant.»
Entre science et échange
Aller vers l'autre, découvrir de nouvelles cultures, communiquer dans une seconde langue qu'on ne maîtrise pas forcément. La plupart des participants n'avaient jamais mis les pieds en Hongrie, et beaucoup d'entre eux n'étaient jamais sortis de leur pays. «C'est la première fois que je mets un pied hors de Grèce. Budapest est impressionnante, la ville est superbe et l'exposition nous permet de découvrir pleins de lieux différents», s'enthousiasme Yannis.Visite du parlement hongrois, de l'Institut de Recherche des particules et de physique nucléaire, d'une entreprise spécialisée en information et technologie, des thermes de Széchenyi ou encore excursion dans un parc d'attraction... L'exposition déborde largement de son cadre initial. «Le matin, les jeunes participent à des activités scientifiques, culturelles ou ludiques. L'après-midi est réservée à la tenue des stands et les soirées sont consacrées aux activités sociales», explique Antoine van Ruymbeke, un jeune bénévole qui dédie, depuis deux ans, l'intégralité de son temps libre à son rôle de Président pour l'Europe du Mouvement International pour le Loisir Scientifique et Technique (MILSET). Voilà plus de 20 ans que le MILSET regroupe les organisateurs des Expo-Sciences de par le monde et gère les avatars supranationaux de l'événement.
Même si les racines de l'exposition sont ancrées au Québec, le mouvement s'est vite propagé au reste du monde. Asie, Amérique latine, Afrique, Europe et Amérique du Nord.
Chaque continent dispose désormais d'un MILSET régional rassemblant chacun une multi - tude d'associations nationales de promotion de la science et des techniques auprès des jeunes.
«L'aventure de l'Expo-Sciences commence en général par la mise au point d'un projet avec un parrain, un professeur de sciences par exemple. Cela peut aller de la fabrication d'une maquette à la réalisation d'un poster en passant par la conduite d'une recherche scientifique proprement dite», poursuit Antoine.
«Une fois concrétisé, le projet peut être présenté au sein des différentes expositions nationales. Les meilleurs stands seront alors conviés à représenter leur pays soit à l'Expo-Sciences régionale, soit à l'Expo-Sciences internationale.
Nous alternons entre l'une et l'autre un an sur deux.» Vu qu'en 2008, l'événement s'est restreint au niveau régional, une année Expo-Sciences internationale sera, vous l'aurez compris, organisée en 2009. Le rendez-vous est déjà fixé à Nabeul, ville côtière de Tunisie.
À vos projets les jeunes!
Julie Van Rossom
- L'ESE 2008 était organisée par le MILSET Europe et l'association hongroise TIT Kossuth Klub.
© Courtesy Milset
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