Jeunes et géniaux
Publié dans research*eu, n°60, Juin 2009 - Read the English version
Des participants issus des quatre coins de l’Europe et du reste de la planète. Des projets à la pointe de la science. Les graines de génie réunies fin septembre 2008 à Copenhague pour le 20ème Concours européen pour jeunes scientifiques font un pied de nez à tous les rapports déplorant le manque de goût des nouvelles générations pour les sciences.
Des participants issus des quatre coins de l’Europe et du reste de la planète. Des projets à la pointe de la science. Les graines de génie réunies fin septembre 2008 à Copenhague pour le 20ème Concours européen pour jeunes scientifiques font un pied de nez à tous les rapports déplorant le manque de goût des nouvelles générations pour les sciences.
Ils ont entre 14 et 21 ans et sont issus de 39 pays. Leur point commun? Être des férus de science. À tel point que leurs réalisations débouchent parfois sur des avancées scientifiques et font même, pour les plus chanceux, l’objet de brevets. Pour sa vingtième édition, le Concours européen pour jeunes scientifiques (EUCYS 2008) avait installé son quartier général dans un luxueux hôtel de Copenhague. Toute une semaine durant, journalistes, personnalités et membres du jury se sont succédé auprès des chercheurs en herbe, qui ont patiemment présenté leur projet avec l’espoir de remporter un prix.
Compétition de haut vol
Les moyens alloués à l’EUCYS par la Commission européenne, principale créancière de l’événement, sont à la hauteur de l'enjeu. Les gagnants remportent des sommes oscillant entre 3500 € et 7000 €. Avec trois projets primés à chaque niveau du podium et, pour la première fois cette année, un prix de coopération internationale spécialement destiné aux participants non européens (voir encadré), le montant total des récompenses s’élève à quelque 51 500 €. À ceci s’ajoutent d’autres prix gracieusement offerts par les différents sponsors de la compétition. L’EIROforum propose un stage d’une semaine auprès des équipes de recherche travaillant dans chacune de ses infrastructures. L’Organisation européenne des brevets (OEB) invite des jeunes en ses murs à Munich (DE). Et l’industrie danoise offre également une série de récompenses…Mais ce n’est pas tout. Durant toute la semaine de la compétition, les participants sont dorlotés: dîners agrémentés de conférences et spectacles divers, rencontre de candidats au prix Nobel, visites du fleuron de l’industrie danoise, tour guidé complet de Copenhague… «Jamais nous n’avions logé dans un si grand hôtel et participé à de telles festivités», s’enthousiasment Marion et Héléna. Leur stand «La physique au petit déjeuner», décortique les principes régissant les spirales formées lorsqu’on remue un liquide à l’aide d’une cuillère. Comme tous les jeunes chercheurs présents à l’évènement, ces deux françaises de Dijon ont été sélectionnées pour l’EUCYS 2008 après avoir remporté un concours de jeunes scientifiques organisé au niveau national.
Des projets à différent budget
Impressionnées par le niveau de leurs concurrents, les deux candidates sont sceptiques quant à leur chance de remporter la compétition. «Notre matériel expérimental est fait de bric et de broc», explique Héléna. «Nous voulions montrer que pour faire de la physique, on ne doit pas forcément disposer d’équipements hors de prix. Mais en arrivant ici, nous avons remarqué que de nombreux candidats bénéficient d’un matériel de pointe.»L’approche artisanale de Marion et de Héléna n’est cependant pas passée inaperçue, car leur projet a reçu un des prix sponsorisés par l’EIROforum. Ainsi, Héléna se rendra au Centre européen de fusion nucléaire EFTA-Jet (European Fusion Development Agreement – Joint European Torus) basé au Royaume-Uni, tandis que Marion s’envolera à la Silla, au Chili, pour visiter le Very Large Telescope (VLT) de l’ESO, l’Organisation Européenne pour la Recherche Astronomique dans l’Hémisphère Austral.
«En Europe, les jeunes considèrent souvent les sciences comme inintéressantes, et ce dès l’école primaire. Cette tendance se perpétue tout au long du cursus scolaire et influence in fine le choix de carrière des nouvelles générations. Voilà pourquoi il est si important de soutenir des initiatives telles que l’EUCYS», explique Claus Madsen, président du groupe de coordination de l’EIROforum et représentant de son organisation au cours de l’EUCYS 2008.
Mais l’apothéose de l’EUCYS 2008, la soirée qu’attendaient avec impatience – et soulagement, tant la tension des concurrents atteignait un comble – tous les participants, s’est tenue au sein du prestigieux bâtiment du Cirque, à quelques pas du Tivoli, célèbre parc d’attraction de Copenhague. Robes de soirée et smokings, cadre distingué et invités de haut rang: le Prince Joachim du Danemark, Bertel Haarder, ministre danois de l’éducation, Janez Potocnik, le Commissaire européen à la recherche… «Je suis extrêmement heureux de constater que deux jeunes femmes et deux candidats issus des nouveaux pays membres se trouvent au sommet du podium», s’est réjouit ce dernier. «Nous avons devant nous le futur de la recherche européenne. D’une part parce que la jeunesse représente le futur, d’autre part parce que la science joue un rôle déterminant pour notre avenir.»
Les mathématiques, l’ingénierie et les sciences de la Terre ont été couronnées par les premiers prix de l’EUCYS (voir encadrés). La biologie et la physique peuvent aussi se targuer d’être sous le feu des projecteurs de ce prestigieux podium. Mais pour les participants, l'intérêt majeur de l’EUCYS n’est pas forcément de gagner la compétition. En effet, l’événement permet surtout la rencontre entre des jeunes issus de différents pays et spécialisés dans des domaines très variés. À une époque où les questions de recherche sont si vastes qu’elles requièrent la constitution d’équipes de recherche internationales et interdisciplinaires, des événements tels que l’EUCYS aident très certainement les futurs chercheurs à s’imprégner d’ores et déjà des réalités du terrain et commencer à se forger un réseau européen.
Julie Van Rossom
Magdalena Bojarska: «Les cycles hamiltoniens dans les graphes de Halin»
Du haut de ses 17 ans, Magdalena Bojarska est déjà une mathématicienne accomplie. «Quand j’ai commencé mes études secondaires, j’avais un très bon professeur de mathématiques. C’est lui qui m’a parlé pour la première fois de la théorie des graphes», raconte cette jeune chercheuse en herbe originaire de Pologne. «Je voulais étudier ce domaine mais d’une manière généralisée. Voilà comment j’ai commencé à travailler sur ce projet».Son domaine de prédilection? Les cycles hamiltoniens, figures géométriques dont la particularité est de passer une seule fois par les sommets d’un graphe (un graphe hamiltonien, en l’occurrence). La jeune polonaise s’est attaquée à l’étude des cycles hamiltoniens au sein des graphes de Halin, des graphes planaires connus pour contenir des cycles hamiltoniens. Non contente d’avoir développé un théorème qui introduit une nouvelle condition pour affirmer qu’un certain type de graphe de Halin comporte un cycle hamiltonien, elle a également élaboré un nouvel algorithme permettant de vérifier si un type de graphe de Halin contient un cycle hamiltonien passant par un nombre prédéfini de sommets. D’autres méthodes existaient déjà, mais l’algorithme de Magdalena simplifie considérablement les calculs.
Abstrait, direz-vous? Et bien non, pas tant que ça. Car cette branche de la géométrie est ancrée dans de nombreuses applications de la vie de tous les jours, telles que le calcul d’itinéraire, l’élaboration de réseaux de transport, le développement de nœuds informatiques. Magdalena crée donc l’innovation avant même d’avoir achevé ses études secondaires. Son travail lui a valu le premier des premiers prix de l’EUCYS 2008. Que va-t-elle faire avec les 7000 € qu’elle a reçus? «Pour le moment, je n’en ai aucune idée», a-t-elle avoué lors de la conférence de presse qui a suivi la remise des prix.
Martin Tkáč: «Basculement de matériaux volumineux basé sur les principes de gravitation dans le transport ferroviaire des marchandises»
Martin est un ingénieur en herbe issu de l’école secondaire de technique des transports de Kosice, en Slovaquie. «Le transport ferroviaire m’intéresse depuis mon enfance», déclarait-il juste après avoir reçu son premier prix. «Au cours de mes études secondaires, un professeur de technologie m’a parlé des inconvénients du transport ferroviaire de marchandises et m’a poussé à développer mon projet.»
Martin s’est attelé a concevoir une toute nouvelle méthode de déchargement des marchandises en vrac (charbon, céréales, sable, etc.) permettant de contourner les désavantages de l’approche traditionnelle, qui est très énergivore et requiert beaucoup de main-d’œuvre. Le système repose sur un nouveau modèle de wagon et un mécanisme de poulie qui permettent de tirer profit de la gravité pour déverser la cargaison. Le wagon, attaché à chaque extrémité par un dispositif spécial, est tracté et suspendu dans le vide, où il se renverse spontanément sous l’effet de la gravité. Une fois vidé, le wagon reprend sa position initiale et peut être ramené sur les rails.
«Le projet de Martin propose non seulement une analyse très approfondie des avantages et des principes qui sous-tendent son approche, mais aussi un modèle réduit représentant l’ensemble du système», a commenté Jane Grimson, Professeur d’informatique au Trinity College de Dublin (IE) et Présidente du jury de l’EUCYS 2008. «Un projet d’ingénierie extrêmement complet et approfondi, en somme. Et même si de futures études doivent encore confirmer la viabilité de l’approche de Martin, son originalité et sa créativité lui ont valu une des premières places du podium.»
Martin s’est attelé a concevoir une toute nouvelle méthode de déchargement des marchandises en vrac (charbon, céréales, sable, etc.) permettant de contourner les désavantages de l’approche traditionnelle, qui est très énergivore et requiert beaucoup de main-d’œuvre. Le système repose sur un nouveau modèle de wagon et un mécanisme de poulie qui permettent de tirer profit de la gravité pour déverser la cargaison. Le wagon, attaché à chaque extrémité par un dispositif spécial, est tracté et suspendu dans le vide, où il se renverse spontanément sous l’effet de la gravité. Une fois vidé, le wagon reprend sa position initiale et peut être ramené sur les rails.
«Le projet de Martin propose non seulement une analyse très approfondie des avantages et des principes qui sous-tendent son approche, mais aussi un modèle réduit représentant l’ensemble du système», a commenté Jane Grimson, Professeur d’informatique au Trinity College de Dublin (IE) et Présidente du jury de l’EUCYS 2008. «Un projet d’ingénierie extrêmement complet et approfondi, en somme. Et même si de futures études doivent encore confirmer la viabilité de l’approche de Martin, son originalité et sa créativité lui ont valu une des premières places du podium.»
Elisabeth Muller: «Du microcosme aux océans de magma – Perspective d'une météorite lunaire»
Bien que le projet d’Élisabeth se concentre sur la géologie de la Lune, cette jeune femme de 18 ans a la tête fermement ancrée sur les épaules. «Mon père est géologue. Quand j’étais petite, je lui ramenais des roches pour qu’il me retrace leur origine. J’adorais ça.» Ce qui explique la passion de cette jeune britannique pour la géologie. «Je voulais conduire une recherche originale et je me suis donc concentrée sur la Lune», a-t-elle expliqué aux journalistes après avoir reçu son prix. Son travail s’est penché sur MIL05035, une météorite lunaire retrouvée en Antarctique, en 2005, par une équipe de chercheurs de la NASA.
Élisabeth a étudié la composition minérale (minéralogie) et les mécanismes ayant conduit à la formation (pétrologie) de MIL05035, le tout en vue d’émettre des hypothèses sur l’origine de l’échantillon. Cette roche de nature basaltique semble avoir été formée à partir du refroidissement du magma émis lors d’une période de volcanisme généralisé vécu par la Lune, il y a plus de quatre milliards d’années. L’étude de cette météorite permet d’obtenir de nouveaux indices pour comprendre la formation et l’évolution du satellite naturel de la Terre. Élisabeth a pu conduire cette recherche au sein des laboratoires britanniques du Center for Earth, Planetary, Space and Astronomical Research – CEPSAR (UK) grâce à une bourse accordée par la Nuffield Foundation. «Je compte suivre un doctorat après mes études, les 7000 € me permettront de le financer», s’est réjouie Elisabeth qui vient d’entamer sa première année de Géologie à l’université d’Oxford (UK).
Élisabeth a étudié la composition minérale (minéralogie) et les mécanismes ayant conduit à la formation (pétrologie) de MIL05035, le tout en vue d’émettre des hypothèses sur l’origine de l’échantillon. Cette roche de nature basaltique semble avoir été formée à partir du refroidissement du magma émis lors d’une période de volcanisme généralisé vécu par la Lune, il y a plus de quatre milliards d’années. L’étude de cette météorite permet d’obtenir de nouveaux indices pour comprendre la formation et l’évolution du satellite naturel de la Terre. Élisabeth a pu conduire cette recherche au sein des laboratoires britanniques du Center for Earth, Planetary, Space and Astronomical Research – CEPSAR (UK) grâce à une bourse accordée par la Nuffield Foundation. «Je compte suivre un doctorat après mes études, les 7000 € me permettront de le financer», s’est réjouie Elisabeth qui vient d’entamer sa première année de Géologie à l’université d’Oxford (UK).
Pippa Grierson: «Combattre l’eczéma facial du bétail»
L’étude conduite par Pippa Grierson, jeune étudiante de 16 ans issue du collège Kattika, en Nouvelle-Zélande, concerne un type d’eczéma qui affecte le bétail élevé en pâturage. Cette maladie fait perdre chaque année 80 à 400 millions de dollars à la très prolifique industrie ovine néo-zélandaise. Le Pithomyces chartartum, un champignon, est à l’origine de la maladie. L’ingestion de ses spores s’avère en effet extrêmement néfaste pour le foie du bétail. L’intoxication se traduit par une fragilisation de la peau de l’animal à l’origine de graves coups de soleil et d’autres complications parfois fatales.Pippa n’a pas choisi ce sujet par hasard. En effet, son père, un éleveur de moutons, avait déjà remarqué que moins de bêtes développaient un eczéma facial au sein des pâtures préalablement traitées à la chaux. La jeune biologiste s’est alors attelée à vérifier dans quelle mesure le chaulage s’avérait utile pour limiter la prolifération de la mycotoxine. Elle a comparé des chaux de différents types et même évalué les dosages les plus efficaces. Un travail de titan qui lui a permis de remporter le tout premier prix de la coopération internationale décerné dans le cadre de l’EUCYS.
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