Efficacité énergétique

Faire plus avec moins

Publié dans research*eu, Edition spéciale pétrole, Avril 2008 - Read the English version

L’arme la plus directe pour contrer la dépendance de l’Europe aux importations d’hydrocarbures tient en deux mots: efficacité énergétique. Un domaine où le secteur du bâtiment, un des plus énergivores, recèle un potentiel d’économie énorme.


© CNRS/Photothèque/François Penot© CNRS/Photothèque/François Penot
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Consommer mieux pour consommer moins, tel est le nouveau credo de l’Europe, qui, en s’attaquant à trois secteurs clés, les transports, l’industrie et le bâtiment, espère réduire notre consommation de 20% d’ici 2020. En tête des priorités du «Plan d’action pour l’efficacité énergétique» de la Commission européenne, le secteur du bâtiment, qui absorbe environ 40% de l’énergie de l’Union. L’habitat compte pour 2/3 de ce pourcentage, le reste provenant des bâtiments publics et commerciaux.
De plus, une fois n’est pas coutume, c’est un domaine où les intérêts privés sont largement favorables aux initiatives publiques. «Contrairement aux autres secteurs, le transport en particulier, implanter des mesures d’efficacité énergétique pour le bâtiment ne détient que des effets bénéfiques: factures énergétiques réduites, confort accru et création d’emploi», souligne la Fédération de l’Industrie Européenne de la Construction dans un mémorandum(1).

Agir localement, penser globalement

L’éco-conception d’un bâtiment offre un double avantage. Du point de vue économique, d’abord, l’approche mène à d’énormes gains énergétiques. «Nous pouvons ainsi diviser par huit la consommation d’un édifice et donc réduire une consommation de 280 kW/h/m² à 35, voire à 15», explique Claude Rener, administrateur d’Arc&Style, une entreprise belge spécialisée dans l’éco-construction et l’écorénovation depuis 25 ans. Du point de vue écologique, ensuite, l’éco-construction se concentre sur le bilan énergétique global du matériau, et donc tant sur l’énergie utilisée lors de sa production que sur celle qu’il permettra de sauver une fois intégré au bâtiment. «Nous tenons compte de l’impact global du matériau sur l’environnement, de sa naissance à sa mort. Une approche qui ouvre d’ailleurs une toute nouvelle filière de recyclage, axée sur la récupération de l’énergie grise (2) des matériaux », poursuit Rener.
Le bois est particulièrement prisé dans cette nouvelle vision de la construction. «Ce puits à carbone peut être utilisé tant comme ossature que comme isolant, sous forme de fibre de bois, par exemple. Il permet d’obtenir un coefficient K (3) très faible, et donc de limiter les fuites de chaleur du bâtiment. Pour parer à la faible masse thermique du bois - sa capacité à accumuler la chaleur –, on le combine avec des matériaux silico-calcaire, moins énergétivores que les briques en terre cuite et mieux calibrés, ce qui permet de limiter l’utilisation de mortier. Certes, ces briques isolent un peu moins bien, mais, moyennant renforcement à l’aide de plaques isolantes en bois, les résultats énergétiques sont excellents.»
Une démarche novatrice qui consacre également le retour de matériaux ancestraux. «Le bois est traditionnellement privilégié dans le secteur du bâtiment. De même, les enduits naturels à base de terre, de paille, de chaux éteinte, de poudre de marbre ou de caséine, délaissés au cours des 30 dernières années, reviennent en force à l’heure actuelle», déclare Rener. «Combinés à des techniques modernes, telles que la domotique, qui permet d’automatiser un édifice, ou les pompes à chaleur, qui remplaceront bientôt les chaudières à condensation, ces matériaux traditionnels contribuent à épargner de grandes quantités d’énergie.»
Le plus grand défi réside bien sûr dans la rénovation des édifices existants, qui restent les plus nombreux et les moins efficients. «Toutes les technologies nécessaires sont déjà développées, mais il reste à savoir comment accélérer leur implantation dans la vie de tous les jours», commente Andrew Warren, conseiller pour l’Alliance européenne des entreprises pour l’efficacité énergétique dans les bâtiments (EuroAce). C’est l’ambition de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (PEB), entrée en vigueur en 2003, pour mettre en place un système de certification énergétique des bâtiments, établir une méthodologie d’évaluation commune, établir les performances minimales de certains immeubles, et former les experts qui effectueront des inspections régulières.

L’inaction des États membres

Grâce à de telles mesures, l’Europe pourrait déjà réduire sa consommation énergétique de 11%. Mais malgré ce potentiel prometteur, les États membres semblent faire le grand écart entre les engagements politiques consentis à l’Europe et l’implantation effective des consignes de la directive PEB. Fin 2007, des procédures d’infraction ont ainsi été engagées à l’encontre de 19 pays n’ayant toujours pas remis un plan d’action décrivant les modalités nationales d’implantation de la directive.
«Elle a été négociée par les ministres de l’Énergie mais elle doit être appliquée au niveau national par les Ministères de la construction et du bâtiment, d’où un problème de synchronisation qui explique certainement ce retard des pays membres», nuance Andrew Warren. «Cette situation est aggravée par le fait que les politiques relatives au bâtiment sont fragmentées au sein même des États, au niveau régional. De plus, seuls les nouveaux édifices ainsi que les bâtiments de plus de 1000 m² qui subissent une rénovation majeure sont sujets à des obligations en matière de performance énergétique. La pénurie actuelle d’experts retarde aussi le système de certification qui devrait dresser pour chaque propriétaire l’état des lieux de son bien et les actions qu’il pourrait entreprendre. Il faut dire que c’est la première mesure d’efficacité énergétique qui s’attaque globalement au bâtiment, et il est normal que sa mise en oeuvre prenne un peu plus de temps.»
«Heureusement les choses changent», affirme Claude Rener. «Alors que nous avons prêché dans le désert pendant vingt ans, la mentalité du grand public évolue rapidement depuis les années 2000, tout comme celle du politique, qui, du moins en Belgique, aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, met les bouchées doubles pour mettre en place des incitants financiers.»

Julie Van Rossom

  1. FIEC Memorandum, The impact of buildings on climate hange - FIEC’s suggestions for raising the energy
    performance of buildings, 6/12/2007.
  2. La quantité d’énergie nécessaire à la production et à la fabrication des matériaux ou des produits industriels.
  3. Coefficient d'isolation thermique d'un matériau constituant une paroi ou un bâtiment (à ne pas confondre avec le lambda) - Plus ce chiffre est faible et meilleur est le pouvoir isolant.

Comment rendre les bâtiments peu énergivores? En isolant, en  optant pour le bois ou les panneaux solaires. La «flamme bleue»  (Laboratoire d’Études thermiques – CNRS) est une visualisation des  mouvements d’air internes contribuant à la compréhension des turbulences  pour maîtriser les transferts de chaleur en minimisant la consommation  énergétique. © Shutterstock
Comment rendre les bâtiments peu énergivores? En isolant, en optant pour le bois ou les panneaux solaires. La «flamme bleue» (Laboratoire d’Études thermiques – CNRS) est une visualisation des mouvements d’air internes contribuant à la compréhension des turbulences pour maîtriser les transferts de chaleur en minimisant la consommation énergétique. © Shutterstock
Maison des Cyclistes à Ixelles (Bruxelles – BE). Ossature en bois  FSC (Forest Stewardship Council), panneaux solaires thermiques,  géothermie, double vitrage et isolation, éco-matériaux, toiture  végétale. © Jean-Paul Hermant
Maison des Cyclistes à Ixelles (Bruxelles – BE). Ossature en bois FSC (Forest Stewardship Council), panneaux solaires thermiques, géothermie, double vitrage et isolation, éco-matériaux, toiture végétale. © Jean-Paul Hermant


Quelques projets européens


Que faire en attendant la transposition par les États membres des résolutions européennes? Énergie intelligente pour l’Europe, un vaste programme lancé en 2003 et désormais financé via le Programme-Cadre pour la Compétitivité et l’innovation, soutient déjà une multitude de projets destinés à promouvoir le développement des énergies vertes et l’amélioration de l’efficacité énergétique.
  1. EuroTopten est un portail web où l’on peut comparer l’efficacité énergétique des différents produits disponibles sur le marché. Il est constitué de 10 sites relatifs à 10 pays membres (FR, AT, BE, HO, IT, PO, HE, NL, FI, CZ).
  2. Le projet ECO N’HOME propose à 1000 ménages européens d’établir gratuitement un audit énergétique de leur habitation et de leurs déplacements. Les données récoltées seront ensuite utilisées pour élaborer un guide des meilleures pratiques dans ce domaine.
  3. BOILEFF vise à optimiser l’utilisation des chaudières et chauffe-eau. Responsables de l’essentiel de l’énergie consommée dans les bâtiments européens, ces installations sont fréquemment mal utilisées ou mal réglées.
  4. REMODECE tente d’élaborer une base de données et un programme informatique regroupant les différentes caractéristiques de la consommation électrique résidentielle des pays de l’Union.
  5. Les nouveaux pays membres de l’Union sont nettement moins avancés du point de vue de la performance énergétique. Le projet CEECAP tente de déterminer la meilleure manière d’instaurer les labels énergétiques des appareils en Europe de l’Est et en Europe Centrale.
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